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mercredi 11 juin 2014

Éloge de la faiblesse

"Qui peut me comprendre ? Ils sont tous là avec leur vie parfaite, leur maison, leurs gosses, leur bagnole et leur chien, sûrs de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, prompts à juger ceux dont la vie n'est pas aussi nette, aussi propre, aussi droite que la leur."

Il y a en nous une idée, plus ou moins claire, plus ou moins juste, de ce que devrait être un chrétien. Nous faisons notre possible pour nous en rapprocher, et plus nous y travaillons plus le constat est amer : nous sommes loin du compte.

Le drame se joue là. Quelque chose (quelqu'un) vient nous convaincre que nous devrions avoir honte. Et puisque nous avons honte, plutôt que de confesser tranquillement nos péchés, nos luttes et les difficultés qui peuplent nos vies de chrétiens, nous préférons souvent... les cacher. Ne pas en parler. Nous espérons que nos difficultés s'envoleront d'elles mêmes. Ce faisant, nous nous privons de la grâce de Dieu et du travail de l'Esprit Saint qui nous auraient pourtant bien aidés à avancer.


C'est un drame, donc. Pour nous mêmes, bien sûr, mais aussi pour les autres, ceux dont les faiblesses sautent aux yeux, ceux qui portent comme un vêtement les difficultés qu'ils ont traversées ou qu'ils traversent encore. Ceux-là nous observent, et pensent : "Qui peut me comprendre dans cette église si propre, si droite ?"

S’ils savaient ! S’ils savaient la réalité de nos cœurs tortueux ! S’ils savaient nos luttes, nos blessures, nos guerres intérieures, quel bien cela leur ferait ! Car ce qui se voit chez eux n’est pas pire que ce qui est caché chez nous. Hélas, nous qui avons la (mal)chance de pouvoir cacher nos faiblesses, nous préférons souvent présenter le beau visage du chrétien idéal que nous avons en tête. Ce chrétien là est spirituel, heureux dans son couple, prie et lit sa Bible quotidiennement, il est affable avec ses enfants, efficace dans son travail. Ce chrétien là a toujours un mot encourageant, il a des responsabilités dans l’église et il est si proche de Dieu que ses prières ne sont que louange et action de grâce.

Il est beau, ce chrétien ! Il est beau, mais il est faux. Car il est faux, bien sûr : ce chrétien là est trop bien-portant pour être vrai. Et Jésus, nous le savons, n’est pas venu pour les bien-portants. Le chrétien est, par définition, un estropié, un bras cassé, un boiteux. Le chrétien n’est pas un être fort, mais un être faible qui reconnaît sa faiblesse. S’il était fort il se sauverait lui-même, mais parce qu’il est faible il reçoit le salut de son Dieu, qui le lui donne gratuitement et généreusement par la foi en Jésus-Christ. Et c’est là, en Christ, que le chrétien peut commencer à devenir fort, fort de la force de Dieu lui-même. Lui reste faible, mais dans sa faiblesse Dieu déploie sa puissance.

«Ma grâce te suffit, c'est dans la faiblesse que ma puissance se manifeste pleinement» : ce n'est pas moi qui vous le dit, c'est Dieu qui le dit à Paul. Et l’apôtre de conclure : « C'est pourquoi je me vanterai plutôt de mes faiblesses, afin que la puissance du Christ repose sur moi. Je trouve ainsi ma joie dans la faiblesse, les insultes, la détresse, les persécutions et les angoisses que j'endure pour le Christ. Car c'est lorsque je suis faible que je suis réellement fort. » (2 Corinthiens 12.9-10).

Quelle place laissons-nous à la faiblesse dans nos églises ? Comment accueillons-nous celui qui confesse sa faiblesse et partage ses blessures ? Comment accueillons-nous celui qui les porte sur lui comme une seconde peau ? Nous devons détruire l’image du « chrétien parfait » qui peuple nos pensées : c’est le prix à payer pour pouvoir accueillir le pécheur repenti, qui est le seul chrétien qui vaille.

Oui Seigneur, aide nous à faire de ton église un lieu où chacun peut être accueilli dans toute la profondeur de sa faiblesse !

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