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mardi 27 août 2013

Chrétiens, pouvons-nous manger du porc ?



Si la Bible m'a apportée bien des réponses au long des années, je me souviens qu'elle a aussi suscité en moi beaucoup de questions lorsque je l'ai lue pour la première fois. En particulier, je m'étonnais de l'abandon par les chrétiens d'une foule de règles pourtant données par Dieu dans l'Ancien Testament. Alors quoi : Dieu avait-il changé d'avis ? Et si non, pourquoi donc ces règles n'étaient-elles plus respectées ?






Début août, une question m'a été envoyée par le formulaire de contact : "Devons-nous, ou pas, manger du porc ?". L'interdiction de manger du porc provient directement de la Loi dans l'Ancien Testament :  Je vois donc que je ne suis pas le seul à m'être questionné !

Voici l'un des textes qui parlent de cette interdiction :
---Vous êtes les enfants de l'Eternel votre Dieu: vous ne vous ferez donc pas d'incision sur le corps ni de tonsure sur le front de votre tête.
2 Vous êtes, en effet, un peuple saint pour l'Eternel votre Dieu, et l'Eternel vous a choisis parmi tous les peuples répandus sur la surface de la terre pour que vous lui apparteniez comme un peuple précieux.
3 Vous ne mangerez rien d'abominable.
4 Voici les animaux que vous pourrez manger: le bœuf, le mouton et la chèvre,
5 le cerf, la gazelle et le daim, le bouquetin, le chevreuil, le mouflon, la chèvre sauvage 6 et toute bête qui a les sabots fendus en deux et qui rumine.
7 Mais vous ne mangerez pas celles qui ruminent seulement ou qui ont seulement les sabots fendus, comme le chameau, le lièvre et le daman, car bien qu'ils ruminent, ils n'ont pas le sabot fendu. Vous les tiendrez donc pour impurs.
8 Le porc, lui, a le sabot fendu mais ne rumine pas; vous le considérerez comme impur. Vous ne mangerez pas de sa viande et vous ne toucherez pas à son cadavre. (Deuteronome 14:1-8)
L'interdiction est donc effectivement claire. Ceci dit, comme on le voit, elle ne concerne pas que le porc : en toute cohérence, qui se base sur ce texte pour ne plus manger de porc doit aussi arrêter de manger du lièvre (amis chasseurs, bonjour) et du chameau (ok, ça court moins les campagnes...).

Mais il se trouve que dans le Nouveau Testament, l'apôtre Pierre a un jour reçu une vision de Dieu. Luc nous raconte l'épisode dans le livre des Actes des apôtres :
9 Le lendemain, tandis qu'ils étaient en chemin et se rapprochaient de Jaffa, Pierre monta sur la terrasse de la maison pour prier. Il était à peu près midi: 10 il eut faim et voulut manger. Pendant qu'on lui préparait son repas, il tomba en extase.
11 Il vit le ciel ouvert et une sorte de grande toile, tenue aux quatre coins, qui s'abaissait et descendait vers la terre; 12 elle contenait toutes sortes d'animaux: des quadrupèdes, des reptiles et des oiseaux.
13 Il entendit une voix qui lui disait: ---Lève-toi, Pierre, tue ces bêtes et mange-les.
14 ---Oh non! Seigneur, répliqua Pierre, car jamais de ma vie je n'ai rien mangé de souillé ou d'impur.
15 Mais la voix reprit et dit: ---Ce que Dieu a déclaré pur, ce n'est pas à toi de le considérer comme impur.
16 Par trois fois, cela se renouvela, puis la nappe disparut dans le ciel. 17 Pierre était fort perplexe et se demandait ce que cette vision signifiait. (Actes 10:9-17)
Plus tard Pierre, dont la réflexion avait sans doute mûrit, en donna lui-même l'interprétation :
---Vous savez que la Loi interdit à un Juif de fréquenter un étranger ou d'entrer chez lui. Mais Dieu m'a fait comprendre qu'il ne faut considérer aucun être humain comme souillé ou impur. (Actes 10:28)
Lorsque Dieu a constitué son peuple, il a dans le même temps institué un certain nombre de règles pour faire de lui un peuple saint, c'est-à-dire un peuple mis à part, séparé des autres. Je suggère que les interdictions alimentaires - entre autres - jouaient ce rôle de "séparateur". Cette séparation d'avec le reste des nations était une étape nécessaire à bien des égards, mais elle n'était pas faite pour durer. Le cours de l'histoire biblique est d'ailleurs assez éloquent à ce sujet : il commence par un récit universel (les chapitres 1 à 11 de la Genèse), puis se focalise sur un peuple (les douze tribus d'Israël), puis se centre sur une tribu (Juda) et finalement sur un "serviteur souffrant" (Jésus-Christ). Mais partant de lui le champ s'élargit à nouveau : douze apôtres, 70 envoyés (Luc. 10:1), et finalement à nouveau l'universalité de la mission ("faites de toutes les nations des disciples", Mt. 28:19).

Or, puisqu'en Christ il n'y a plus "ni juif ni grec" (Galates 3:28), les règles qui servaient à séparer le peuple juif du reste des nations sont caduques. La vision de Pierre en rend d'ailleurs bien compte.
"Ce que Dieu a déclaré pur, ce n'est pas à toi de le considérer comme impur", a dit Dieu à Pierre dans sa vision. Une vision qui s'est renouvelée par trois fois, pour si jamais ce n'était pas assez clair avec une seule.

Plus tard, des juifs convertit au christianisme ont commencé à insister pour que les non juifs soient circoncis. La question fut tranchée lors du Concile de Jérusalem que l'on retrouve en Actes 15. À cette occasion, Jacques prit la parole :
19 Voici donc ce que je propose, continua Jacques: ne créons pas de difficultés aux païens qui se convertissent à Dieu.
20 Écrivons-leur simplement de ne pas manger de viande provenant des sacrifices offerts aux idoles, de se garder de toute inconduite sexuelle, et de ne consommer ni viande d'animaux étouffés ni sang.
Ceci dit, les règles alimentaires données ici n'ont pas non plus l'air d'être gravée dans le marbre : dans sa première épître aux Corinthiens, Paul ne restreint la consommation de viande provenant des sacrifices aux idoles que dans le cas où ce serait une occasion de chute pour d'autres (1 Cor. 8. On retrouve la même idée en Romains 14:13-15, où Paul affirme même qu'il est convaincu "en accord avec la pensée du Seigneur Jésus, que rien n'est impur en soi").

Alors, peut-on manger du porc ? Oui ! Et même du lièvre et du chameau si ça nous chante !

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Pour aller plus loin, voir :
La réflexion du pasteur Jean-Claude Guillaume sur le Top Chrétien.
L'apportation d'Olivier Randl sur son blog "Incursion en Terre Biblique".

Crédit photo: William James Cunneen. Via Flickr (the commons).

5 commentaires:

  1. Voilà une réflexion intelligente sur le sujet ! C'est tellement rare que ça mérite d'être salué.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. N'autres en Occitània, avèm de costumas que daus-uns dirián paganas, coma la sanqueta, 'na brava galeta de sang que fasèm sitòst la bèstia sannada... Que ne'n pensètz? Sirián de pagans?

    Nous en Occitanie, nous avons des contumes que certains diraient païennes, comme la sanguette, une belle galette de sang que nous faisons aussitôt la bête saignée... Qu'en pensètz-vous? Serions-nous païens?

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    1. Bonjour,
      Certains chrétiens s'abstiennent effectivement de manger du sang (boudin, etc.). Pour ma part, je m'en tiens au dernier paragraphe de mon article. Je crois, à l'instar de Paul, que rien n'est impur en soi.

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