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jeudi 21 mars 2013

Le pape ? Moi je suis protestant !

J'ignore quelle est la situation en France, mais de ce côté-ci des pyrénées (en Espagne, donc) il suffit parfois de prononcer le mot "pape" pour provoquer une réaction épidermique chez un certain nombre d'évangéliques. Évidemment, l'oppression subie par les évangéliques sous Franco et les privilèges dont l'église catholique bénéficie encore aujourd'hui dans sa relation avec l'État ne sont pas faits pour arranger les choses. Il faut l'admettre : il y a tout de même quelques bonnes raisons d'avoir l'épiderme sensible.

Le cardinal Bergoglio, successeur de Benoît XVI

Oui, mais. Le fait est qu'il y a quelques jours, alors qu'était abordée la récente élection du pape François, j'ai entendu l'un de mes coreligionnaires s'exclamer : "Le pape ? On est protestants ! Ça ne nous intéresse pas."

Diantre, en voilà une opinion bien tranchée.


Je me suis pour ma part converti au Christ sur la fin du pontificat de Jean-Paul II. Du coup Jean-Paul II, pour moi, ça n'était pas grand chose de plus que la boutade de Coluche : "Jean-Paul II et j'en retiens I" (faut dire qu'elle est bonne, celle-là !).

Ensuite est arrivé Benoît XVI. Bien. Ma toute fraîche conversion ayant fait suite à quatre années d'éprouvantes querelles avec l'église catholique, je m'en suis donné à coeur-joie : "Je suis protestant, le pape ne m'intéresse pas." Eh oui, moi aussi. Parce que c'était vrai : il ne m'intéressait pas.

Et puis bon, on mûrit, je suppose.

D'autres diraient peut-être qu'on mollit (mais honnêtement, je ne crois pas). En tout cas, quand j'ai appris la démission de Benoît XVI j'ai décidé que j'allais m'intéresser au suivant. J'avance deux raisons pour cela :
1. L'église catholique est, même du point de vue institutionnel - pourtant plus contestable que la foi individuelle de ses fidèles -, une église chrétienne. Ne me jettez pas des pierres (pas encore). De bien des manières je la crois en rébellion vis-à-vis des Écritures, mais je crois qu'elle est chrétienne : elle confesse sa foi en la Trinité. C'est donc une église qui m'intéresse.
2. Le pape est la figure la plus visible du christianisme. C'est tellement vrai que nous sommes souvent acculés, nous les protestants, à nous définir par la négative en expliquant en quoi nous ne sommes pas catholiques. Mince alors. Comment donc pourrais-je ne pas m'intéresser à la façon dont le pape présente l'Évangile ?


Confesser le Christ, ou confesser la mondanité du diable


Alors il se trouve en plus que jusqu'ici il l'annonce plutôt bien, l'Évangile. Eh oui, je suis désolé (ou pas) : j'ai moi aussi cédé du terrain à l'enthousiasme général. J'ai bien aimé sa première homélie, réalisée sans notes et après avoir refusé le discours formaté qu'on lui proposait : nous devons confesser le Christ, dit-il le lendemain de son élection, sous peine de n'être pas grand chose de plus qu'une pieuse ONG (d'autres traduisent "piteuse" : que ce soit l'un ou l'autre, Christ est au centre et le discours est clair). Dans le best-off, on a aussi : "Quand on ne confesse pas Jésus-Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon." Rien que ça !

Sur le choix de François comme nom, outre les raisons invoquées qui peuvent difficilement laisser indifférent, j'ai également bien aimé le paradoxe relevé par Sébastien Fath entre le voeu d'obéissance des jésuites envers le pape (ordre auquel appartient le pape François) et la référence à François d'Assise, qui fut "la personnalité la plus critique à l'égard du pape avant Martin Luther".

D'autres signes sont encourageants. Son apparente simplicité, sa proximité avec le monde évangélique (au point d'avoir demandé à l'évangéliste Luís Palau de lui imposer les mains et de prier pour lui), les petits gestes symboliques qui sont intervenus dès les premières minutes de son pontificat comme son refus de troquer sa croix d'évêque pour celle de pape (qui va de pair avec sa présentation comme "évêque de Rome" et non comme pape), sa façon de s'incliner pour que les fidèles prient pour lui, son choix de vie austère lorsqu'il était cardinal, tout cela me le rend plutôt sympathique.

Alors bien sûr, je n'ignore pas tout ce qui se dit sur son rapport à la dictature en Argentine. Mais je crois que si l'on est aussi inculte que moi sur le sujet et qu'on ne se contente pas de lire ce qui va dans le sens de nos a-priori, il nous faudra admettre que tout n'est pas aussi simple que certains voudraient le faire croire.[1] Je reste donc attentif, mais je ne suis pas trop pressé de me faire une opinion.

Alors voilà : Le pape ? Je suis protestant : bien sûr que ça m'intéresse !
C'est ma conclusion. Et la vôtre ?

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[1] Par exemple, l'un des deux jésuites soi-disant dénoncés à la junte militaire par le père Bergoglio a démenti les accusations qui lui sont faites. Nous n'aurons malheureusement jamais la version de son compagnon d'infortune, pour la bonne raison qu'il est mort. (MAJ du 21/03/13)

Sources :
Photo pape François : Le JDD

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